Si une opération semble douteuse, déclarez-la

Le 14 novembre 2016, le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) a publié un document s’intitulant Rapport opérationnel : Indicateurs de blanchiment d’argent dans les opérations financières liées à l’immobilier.

À première vue, le document semble assez simple. On y souligne l’importance des déclarations d’opérations douteuses dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes et on y présente des indicateurs qui devraient être consultés pour déterminer si une transaction est douteuse dans le secteur immobilier. Rien de nouveau jusqu’ici, vous me direz. Les éventuels indicateurs d’opérations douteuses sont soulignés depuis longtemps dans la Ligne directrice 2 : Opérations douteuses; ce document offre plus de détails.

Par contre, à y regarder de plus près, deux lignes ressortent :

  1. « Le nombre limité de déclarations d’opérations douteuses au sein du secteur de l’immobilier met clairement en évidence le besoin de fournir des conseils… »
  2. « CANAFE utilisera ces indicateurs, en plus d’autres sources d’information, pour évaluer dans quelle mesure l’entité déclarante respecte ses obligations en matière de déclaration. »

Autrement dit, CANAFE ne semble pas trop satisfait du nombre de déclarations d’opérations douteuses qui ont été déposées dans le secteur immobilier. CANAFE déclare donc – sans détour – au secteur immobilier qu’il va peut-être prendre des mesures contre les courtiers et agents immobiliers qui ne produisent pas de déclarations lorsqu’ils sont tenus de le faire.

Les courtiers et agents immobiliers devraient continuer à faire preuve de vigilance en matière de déclarations d’achat ou vente ou de tentatives d’achat ou vente qu’ils soupçonnent liées à la perpétration d’une infraction de blanchiment d’argent ou de financement des activités terroristes. Voici quelques indicateurs dont vous devriez tenir compte :

  • Le client a du mal à expliquer le changement de dernière minute du nom de l’acheteur.
  • L’entreprise ou le particulier n’a pas d’adresse de courriel, d’adresse municipale, de numéro de téléphone résidentiel ou commercial (ligne téléphonique débranchée ou mauvais numéro), de logo d’entreprise ou de personne à contacter en cas de besoin).
  • Le client refuse d’utiliser son nom sur les documents ou utilise différents noms sur les promesses d’achat, les documents de clôture et les reçus pour les acomptes versés.
  • Les opérations sont effectuées au nom de mineurs, de personnes handicapées ou de toute autre personne qui […] ne semble pas être en mesure financièrement d’effectuer de tels achats.

Pour de plus amples informations, consultez le Rapport opérationnel.

Comme de raison, chaque transaction est différente, ce qui veut dire que vous devrez faire preuve de jugement et analyser avant de produire une déclaration d’opération douteuse. Adressez-vous à votre agent de conformité qui pourra vous aider à déterminer une façon de procéder. C’est là le rôle qu’il joue.

Je suppose maintenant que bon nombre de courtiers et agents immobiliers se questionnent au sujet des répercussions d’une déclaration sur leurs activités. Il est important de se rappeler que toute déclaration d’opération douteuse ne veut pas dire que le client est coupable. Cela veut seulement dire qu’il y a quelque chose de louche dans la transaction. Qui plus est, le fait de produire une déclaration d’opération douteuse ne veut pas dire non plus qu’il vous est impossible d’effectuer la transaction. Vous êtes libre de la conclure. Par contre, vous devriez en discuter avec votre agent de conformité afin de déterminer si cela est dans votre intérêt. De plus, n’oubliez pas que CANAFE est tenu, en vertu de la loi, de préserver la confidentialité des déclarations d’opérations douteuses. Le public ne saura pas que vous avez produit une déclaration.

Peu importe, tout défaut de produire une déclaration d’opération douteuse lorsqu’il existe des motifs pour le faire pourrait vous rendre la vie très difficile. Il existe d’importantes sanctions pour tout défaut de produire une déclaration (emprisonnement maximal de cinq ans ou amende maximale de 2 000 000 $, ou les deux). Pire encore, imaginez l’atteinte à votre réputation si vous êtes jugé coupable d’avoir contrevenu à la loi.

Comme on l’a mentionné plus tôt, CANAFE déclare au secteur immobilier qu’il pourrait prendre des mesures à son égard.

Ne devenez pas cette cible.

L’article ci-dessus est publié à titre d’information; il ne constitue nullement des conseils juridiques et ne cherche pas à se substituer à un conseiller juridique.

Simon Parham est avocat général et secrétaire général de L’Association canadienne de l’immobilier (ACI). Il possède une expertise dans diverses lois et questions fédérales, notamment la lutte contre le blanchiment d’argent et le droit relatif à la protection de la vie privée. Avant de se joindre l’ACI, il a travaillé en tant qu’avocat-conseil pour le ministère de la Justice, où il a fourni des conseils juridiques au ministère de la Défense nationale.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *