Gregory Klump sur la nouvelle simulation de crise : « On peut faire mieux »

Les nouvelles règles hypothécaires introduites en début d’année, parlons-en. Les acheteurs dont la mise de fonds est supérieure ou égale à 20 % doivent se plier à une « simulation de crise » pour pouvoir obtenir un prêt hypothécaire auprès d’une institution financière fédérale (IFF).

Dans ce contexte, l’admissibilité au prêt n’est pas basée sur le taux d’intérêt offert. Elle est plutôt fonction du plus élevé des deux taux d’intérêt suivants : le taux hypothécaire ordinaire de cinq ans affiché par la Banque du Canada ou un taux de 2 % supérieur à celui offert par le prêteur.

Créée par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), la simulation de crise a pour but de freiner la croissance des crédits hypothécaires. En effet, le BSIF craint que le système financier canadien ne subisse les contrecoups de la montée des taux d’intérêt (une masse d’emprunteurs incapables de payer leur hypothèque) ou de la prochaine récession (une vague de licenciements, dont les victimes seront incapables de payer leur hypothèque).

Le BSIF s’inquiète de la possibilité que, si ces risques venaient à se concrétiser, les grandes banques réduisent les prêts hypothécaires de façon draconienne (créant une « crise du crédit ») – ce qui empirerait une conjoncture économique déjà précaire.

Il faut savoir que le mandat du BSIF consiste uniquement à protéger le système financier canadien contre les risques. Il ne se préoccupe absolument pas des incidences du resserrement des règles hypothécaires sur les ventes ou les prix immobiliers.

Les acheteurs qui souhaiteraient se soustraire à la simulation de crise peuvent faire des demandes de prêts hypothécaires auprès d’institutions financières non fédérales comme les coopératives de crédit ou les prêteurs privés. Mais ils doivent savoir que ces derniers leur imposeront des taux hypothécaires plus élevés que ceux offerts par les IFF.

Bref, l’introduction de la nouvelle simulation de crise du BSIF incitera sûrement certains emprunteurs à contracter des dettes plus difficiles à gérer qu’auparavant. Cela veut aussi dire un simple transfert des risques financiers des IFF aux acheteurs et aux institutions financières non fédérales.

Pendant ce temps, le BSIF, lui, peut se targuer d’avoir atteint son objectif avec sa simulation de crise du point de vue de la protection des IFF contre les risques de crédit – sans tenir compte de ses effets sur les emprunteurs, les prêteurs privés et les institutions financières non fédérales.

La nouvelle simulation de crise repose sur le taux hypothécaire ordinaire sur cinq ans publié par la Banque du Canada*, élément sur lequel les décideurs n’ont aucune emprise. Pour cause, ce taux est lié aux rendements des obligations à cinq ans, sur lesquels la Banque du Canada n’a aucun contrôle (pas plus que sur les taux autres que son taux cible de financement à un jour, d’ailleurs).

Revenons un instant sur la motivation du BSIF en ce qui concerne la simulation de crise, soit de tenter de limiter l’éventualité d’une contraction du crédit si le Canada venait à traverser une crise économique. On comprend très bien par ailleurs que les marchés financiers internationaux sont hautement interdépendants. Donc, un bond inattendu des taux d’intérêt canadiens en réaction à la hausse des taux d’intérêt internationaux serait synonyme d’une conjoncture économique défavorable pour le Canada. L’impossibilité pour un plus grand nombre d’emprunteurs d’accéder à un prêt hypothécaire à cause de la simulation de crise aggraverait davantage un contexte économique déjà précaire.

Si un tel scénario devait se concrétiser, je doute fort que le BSIF assouplisse rapidement les règles hypothécaires. Il n’en reste pas moins que l’élaboration de politiques efficaces n’est pas une mince affaire, mais ce n’est pas pour autant que les décideurs ne devraient pas s’y appliquer.

En conclusion, je reste d’avis que la simulation de crise aurait dû être conçue plus judicieusement au départ.

*Le taux sur cinq ans le plus souvent annoncé par les grandes banques canadiennes, aussi appelé « mode » ou, si plusieurs modes cohabitent, le mode le plus proche de la moyenne des taux hypothécaires de cinq ans annoncés par les grandes banques.

Ancien économiste en chef, Gregory Klump fournissait ses points de vue sur l’état et les perspectives des marchés de l’habitation canadiens aux médias, aux décideurs politiques et aux intervenants du secteur immobilier. En 2017, Greg a célébré son 25e anniversaire en tant que membre de l’équipe de l’ACI. Avide skieur et planchiste en hiver, il est un passionné de l’entraînement en parcours (CrossFit) à l’année.


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